Delphine Tonglet

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Collaboratrice scientifique

Centre de Recherches en Archéologie et Patrimoine
Université libre de Bruxelles • CP 133/01
Avenue F.D. Roosevelt, 50
B-1050 Bruxelles
 

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Présentation des recherches

Thèse doctorale et monographie

L’Étrurie est une vaste entité culturelle qui occupait le nord du Latium actuel, la Toscane, une partie de l’Ombrie, mais aussi diverses zones de la Plaine du Pô (Bologne), ainsi que de la Campanie (Naples). Pendant presque un millénaire, de la fin de l’Âge du Bronze à la conquête romaine, les Étrusques jouirent d’une grande prospérité, principalement basée sur les ressources agricoles, l’exploitation, l’exportation et la manufacture du métal et, surtout dès le VIIIe siècle, sur les échanges commerciaux maritimes et terrestres en Méditerranée et vers l’Europe au Nord des Alpes.
Les contacts intenses et très anciens avec les navigateurs phéniciens d’abord, puis grecs, ont porté différentes cités côtières étrusques (d’abord tyrrhéniennes, puis adriatiques) à développer et à diffuser à échelle interrégionale des éléments culturels mixtes, basés sur la réception et la transformation/appropriation d’objets et de pratiques inspirés du monde méditerranéen oriental (Grèce et Proche-Orient). C’est dans ce cadre général que les Étrusques importèrent notamment des milliers de vases grecs qu’ils utilisèrent à leur manière et déposèrent dans leurs tombes (VIIIe - IVe siècles), permettant ainsi la bonne conservation de ces objets en dehors de leur région de production.
C’est dans ce cadre – et dans la lignées de recherches menées par Athéna Tsingarida sur les vases grecs en Etrurie* – que s’inscrivent les recherches de Delphine Tonglet dans une thèse de doctorat défendue en 2015, retravaillée à l’occasion de divers post-doctorats à l’étranger, et très récemment publiée (2018).** Le travail de Delphine Tonglet offre une étude de certaines formes céramiques destinées au banquet étrusque, imitées et adaptées par les potiers d’Athènes entre la fin du VIe et le début du Ve siècle. Il aborde plus particulièrement le cas du kyathos, sorte de tasse à anse élevée destinée à puiser et à boire du liquide. La première partie de la recherche aborde l’organisation de la production de cette forme à Athènes, dans la continuité d’un autre courant de la recherche sur les vases attiques, notamment développé au CReA-Patrimoine par Isabelle Algrain sur l’alabastre attique***. Il s’agit des études des formes de vases et de leur attribution morphologique à des ateliers, voire à des mains de potiers anonymes. Ces études, essentiellement basées sur l’observation des profils dessinés des vases, de l’agencement de leur décoration secondaire d’une part et figurée d’autre part, permettent une réorganisation et une meilleure compréhension de ce que l’on savait, jusqu’ici, de l’organisation des ateliers de céramiques figurée à Athènes. Ce genre d’approche, développée épisodiquement dans la littérature scientifique****, permet de compléter et de redonner sens aux études d’attribution stylistiques des vases grecs à des peintres anonymes. En ce qui concerne le kyathos, l’étude de Delphine Tonglet a ainsi permis de développer la méthodologie des études de formes en lui donnant une dimension plus anthropologique, et a proposé un schéma organisateur des ateliers attiques impliqués dans la production de formes spéciales destinées à l’Étrurie méridionale à la fin de l’époque archaïque. Dans la seconde partie de cette étude, elle s’est interrogée sur la diffusion et l’usage des kyathoi étrusques et attiques en Étrurie et a analysé le phénomène d’imitation et d’adaptation pour mettre l’accent sur les échanges culturels, économiques et artisanaux entre les mondes étrusque et grec. La chercheuse a également exploré la question des modalités de sélection opérées au sein du répertoire étrusque pour les adaptations attiques et celle de l’identification des différents acteurs impliqués dans ce processus, ainsi que sur leurs rôles respectifs (utilisateurs, producteurs, distributeurs).
* A. Tsingarida, « Color for a Market? Special Techniques and Distribution Patterns in Late Archaic and Early Classical Greece », in K. Lapatin (éd.), Papers on special techniques in Athenian vases. Proceedings of a symposium held in connection with the exhibition 'The colors of clay: special techniques in Athenian vases', at the Getty Villa, June 15-17, 2006, Los Angeles, 2008, p. 187-206 ; A. Tsingarida, « « Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ». Vases à boire monumentaux et célébrations divines », in V. Pirenne-Delforge & F. Prescendi (éds), « Nourrir les dieux ? » Sacrifice et représentation du divin, Liège, 2011, p. 59-78. [Supplément Kernos 26] ; A. Tsingarida, « Special Vases for the Etruscans ? Reception and Uses of outsized Athenian drinking vessels », in ??? ; A. Tsingarida, « Greek Vases in Pre-roman Italy » forthcoming 
** D. Tonglet, Le kyathos attique de Madame Teithurnai. Échanges artisanaux et interactions culturelles entre Grecs et Étrusques en Méditerranée archaïque, vol. 1 & 2, Bruxelles, 2018. [Études d'archéologie 13]
*** I. Algrain, L'alabastre attique. Origine, forme et usages, Bruxelles, 2014. [Études d'archéologie 7]
**** Notamment par : E. Haspels avec les lécythes attiques à figures noires, J. D. Beazley et sa notion de « classe », H. Bloesch et la production d’Exekias et d’Andokidès, E. A. Mackay à nouveau pour Exekias, C. Jubier-Galinier pour l’atelier des Peintres de Sappho et de Diosphos, H. Mommsen pour des potiers proches d’Amasis et A. Tsingarida pour les phiales de l’atelier de Nikosthénes.

 

Recherches post-doctorales


Dans le cadre des cours et des recherches menés par le CReA-Patrimoine en archéologie protohistorique, grecque et romaine ; et spécifiquement au sein des études en céramologie grecque qui constituent l’un des points forts du centre (voir ci-dessus), le monde de l’Italie préromaine tient une place non négligeable à l’ULB. En général, ces recherches sont parties du vase grec et de son contexte de production, de ses formes, décors et modalités de distribution, pour ensuite aborder la question de ses contextes et pratiques en Étrurie (voir ci-dessus). 
Aujourd’hui, une étude post-doctorale menée au CReA-Patrimoine par Delphine Tonglet, développe une approche complémentaire – et plus étruscologique. Ce projet s’intéresse aux procédés mis en place dans la construction d’une identité sociale et culturelle par les aristocraties étrusques, entre les VIIIe et VIe siècles av. J.-C. Il s’attache plus particulièrement à un examen diachronique des pratiques conviviales de ces élites, par le biais d’une analyse de la vaisselle céramique. Celle-ci constitue un vecteur d’information significatif, combinant à la fois des éléments locaux et étrangers, ces derniers étant souvent empruntés aux traditions grecques et proche-orientales du banquet.  En partant de ces constats, le projet se tourne plus particulièrement vers l’étude contextuelle des vases et objets de production locale, d’importation ou d’imitation, assemblés sous forme de services de boisson et de nourriture ; c’est-à-dire selon un assortiment d’objets de formes différentes, nécessaire au service d’un banquet. À cet effet, l’étude se concentre sur une sélection de formes de vases typiquement étrusques. Elle vise à l’analyse du développement et des usages de ces formes, liées à l’identité étrusque, avant et après l’intégration de certaines pratiques et objets du banquet grec et oriental. La progression de la recherche a également démontré la difficulté de différencier, en contextes étrusques, les services de banquet par rapport aux autres assemblages d’objets destinés à des rituels ou cérémonies utilisant des liquides ou de la nourriture. Cette étude est renforcée par l’analyse d’un cas particulier : les assemblages de vases (sélections des tombes du VIIe siècle) provenant de la nécropole de Tolle (Chianciano Terme) en Étrurie centrale, dans un contexte où la tradition locale est moins perméable aux influences étrangères. Cette étude particulière est possible grâce à l’ouverture et à la collaboration du Musée de Chanciano Terme et de son directeur – Giulio Paolucci.
En parallèle et dans le cadre de ces problématiques, des recherches ponctuelles sont en cours sur des contextes de la nécropole de Spina (Valle Trebba), en collaboration avec le Dipartimento di Storia Culture Civiltà de l’Université de Bologne, avec le Pr. Andrea Gaucci et sous l’égide et la direction du Pr. Elisabetta Govi.* 
Ces premiers résultats (aujourd’hui sous presse dans différents actes de colloque**) visent également à une série d’études comparatives concises d’autres contextes étrusques bien documentés, afin de dégager la variabilité géographique des traditions de l’Étrurie.   
Enfin, il est important de souligner que les étudiants de notre département bénéficient des fruits de ces recherches, puisqu’il leur a été proposé un séminaire complet de Master (2018-2019), visant ces questions de recherches dans le cadre plus vaste de l’étude des échanges interculturels en lien avec le monde étrusque. Ce séminaire, subventionné par la Faculté de Philosophie et Sciences sociales, le CReA-Patrimoine et la Société d’archéologie classique et byzantine, a permis à sept chercheurs de renom (Belgique, Italie, France) de venir présenter des cas d’étude précis.  
* A. Gaucci & D. Tonglet, "Un kyathos attico a figure rosse da una tomba di Valle Trebba, Spina. Contesto e funzione di una forma a cavallo tra mondo etrusco e mondo greco",  in Dialoghi sull'archeologia della Magna Grecia e del Mediterraneo. Identità/senso di appartenenza : modelli interpretativi a confronto. Atti del III convegno, Paestum 16-18 novembre 2018, à paraître.
** D. Tonglet, "Etruscan Melting-pot: Some Considerations about Etruscan Banquet Sets in Funerary Contexts", in M. Bentz & M. Heinzelmann (éds), Archaeology and Economy in the Ancient World. Proceedings of the 19. International Congress of Classical Archaeology. Cologne/bonn, 22 - 26 May 2018, à paraître. Voir également: F. de Angelis & D. Tonglet (éds), The cup of Dionysos: new approaches to the kantharos, à paraître.