Voir la rue autrement

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Découvrez les contributions de Christophe Loir, "Le trottoir : la naissance de la rue moderne" (p. 10-27) et de Thomas Schlesser, "Moderniser la rue ancienne. Le réalignement à Bruxelles au XIXe siècle" (p. 28-35) dans le numéro spécial de la revue Bruxelles-Patrimoines qui vient de sortir intitulé "Voir la rue autrement" (en vente en librairie dans les prochains jours...).

De plus en plus, la rue fait l’actualité. Les publications sur la rue se multiplient depuis une dizaine d’années dans des approches historique, géographique, culturelle, sociologique, architecturale. Par contre, l’histoire matérielle et patrimoniale de la rue, et plus globalement de l’espace public, reste en grande partie à écrire. L’objectif de ce numéro de Bruxelles-Patrimoines est d’étudier la rue sous l’angle patrimonial en en retraçant son évolution historique et ses caractéristiques matérielles, en réfléchissant aux outils les plus appropriés pour déterminer leur valeur patrimoniale et pour assurer leur conservation. Pour ce faire, il est bien sûr indispensable de se départir de la vision essentiellement fonctionnelle et technique qui, au 20e siècle, a considéré la rue uniquement comme une voie de circulation. Pour en saisir la valeur patrimoniale, il faut « voir la rue autrement », pour paraphraser Michaël Darin.
Ainsi, les différents auteurs ayant participé à ce numéro nous aident tout d’abord à comprendre la mise en place des éléments constitutifs de la rue moderne durant le long 19e siècle, et plus particulièrement de ses caractéristiques physiques avec l’adoption d’un nouveau profil marqué par l’introduction du trottoir (C. Loir), l’élargissement du gabarit entraînant le réalignement des voies existantes (T. Schlesser), la systématisation du revêtement pavé (F. Tourneur), l’intégration des plantations en voirie (C. Sommeillier, C. Leclercq, B. Campanella). Aux alentours de 1900, l’espace public et la rue en particulier sont au cœur des débats, comme en témoignent l’esthétisation de la ville (C. Chéron) ou les modes de représentations graphiques des rues historiques (C. Paredes). Après plus d’un demi-siècle où elle est reléguée au rang de simple artère circulatoire, plusieurs publications dans les années 1980 et 1990 témoignent des prémices de la reconquête de l’espace public (M. Demanet). Quant à la protection légale des voiries historiques, elle est tardive, limitée et complexe (M. Muret). Elargir la notion même de patrimoine et considérer la rue comme un paysage urbain (A. Autenne) est d’autant plus urgent qu’il faut malheureusement constater la faible prise en considération de la dimension patrimoniale dans les récents réaménagements de l’espace public en région bruxelloise (T. Jossart). Il s’agit de concilier préservation du patrimoine et enjeux contemporains en matière d’accessibilité et durabilité, tout en tenant compte des spécificités de certaines artères, à l’exemple des rues du centre historique de la zone Unesco (Q. Demeure, P. Cordeiro) et des chaussées structurant la voirie à l’échelle régionale (M. Alecian).

Christophe Loir