Itanos - conservation/restauration


Programme de restauration – conservation et mise en valeur d’un secteur de la Nécropole Nord du site d’Itanos en Crète orientale


Un programme de restauration-conservation a été entrepris à la Nécropole Nord d’Itanos suite à l’érosion du rocher et à la fragilité des structures mises au jour par les fouilles qui y ont été menées durant les campagnes de 1995-1999 et de 2011-2015. Dirigé par Athéna Tsingarida et Didier Viviers, ce projet, toujours en cours, vise à la fois la consolidation des installations excavées et la mise en valeur générale du secteur. L’objectif est de rendre plus lisibles et plus compréhensibles par les visiteurs du site l’ensemble des structures archéologiques. 

Jusqu’à présent, ce programme de restauration-conservation et de mise en valeur des vestiges a consisté en plusieurs actions :


I. Conservation et restitution de la phase classique et hellénistique de la nécropole et de la voie de circulation antique, qui dessert l’espace funéraire depuis l’époque archaïque


C’est la part la plus spectaculaire de ce programme. D’une part, elle consiste à restituer les niveaux de circulation classique et hellénistique et, d’autre part, à matérialiser les monuments funéraires, les mieux préservés, des phases classique et hellénistique du cimetière (fig. 1) 

Fig. 1 : Vue Nord-Sud du secteur funéraire et de la voie de circulation restaurés et mis en valeur (2016 © CReA-Patrimoine).

La fragilité du substrat schisteux et la densité d’occupation du cimetière imposaient de combler de graviers les creusements d’un grand nombre de sépultures (fig. 2), après les avoir protégé de l’humidité et de l’érosion avec un tissu géotextile et plusieurs couches de graviers de taille et de composition différentes. Une campagne de consolidation des structures construites (enclos et monuments), partiellement conservées, a également été menée.

Fig. 2 : Secteur funéraire (zone 1), état des tombes après les fouilles (1999 © CReA-Patrimoine).

Les campagnes d’études ont permis de sélectionner certains monuments funéraires et de proposer un projet de restitution (fig. 3-4). Les exemples choisis sont représentatifs des différents types de sépultures présents à travers le temps dans la Nécropole : simples dalles surmontées d’une stèle et associées à un autel (fig. 5) ou monuments à degrés (fig. 6). Ils présentent les parties conservées in situ, complétées par des blocs en calcaire gris ou en ammouda, déposés à l’Est du secteur fouillé et réintégrés après une étude architecturale (fig. 7). Pour l’ensemble des monuments funéraires et des structures il a également fallu renforcer les remblais sur lesquels reposaient les installations (fig. 8) et compléter certains blocs manquants. Dans ce dernier cas, E. Toumbakari et St. Chlouveraki ont consacré une campagne à la réalisation de blocs en ammouda de substitution, qui ont été coulés dans des moules de modules adaptés et produits dans un matériau, spécialement conçu et travaillé pour reproduire l’aspect de l’ammouda antique (fig. 9). Ces ensembles sont complétés par le tracé en surface des cavités funéraires contemporaines aux monuments (fig. 4 : T1-T7 ; T19 ; T50 ; T52 ; T57) et des fosses d’époque géométrique, qui attestent de la première phase d’occupation funéraire du site (fig. 11 : T44 ; fig. 4 : T59). 

Fig. 3 : Plan du secteur de la Nécropole Nord, cavités funéraires et restitution d’enclos et de monuments funéraires (plan : S. Delcros).
Fig. 4 : Plan du secteur de la Nécropole Nord avec les cavités funéraires et les monuments sélectionnés pour être restitués (plan : S. Delcros).

Fig. 5 : Secteur de la Nécropole Nord (zone 1), vue du Nord vers le Sud : enclos, tombes individuelles et autel funéraire (2015, © CReA-Patrimoine).
Fig. 6 : Secteur de la Nécropole Nord (zone 2) vue du Nord vers le Sud : tracé des enclos restitués en galets bruns et monuments funéraires à degrés restaurés (2015, © CReA-Patrimoine)
Fig. 7 : Travaux pour la restitution d’un monument funéraire à degrés (zone 2), remise en place du bloc 9 (2014, © CReA-Patrimoine).
Fig. 8 : Restauration et renforcement du remblais composé de terre, d’argile et d’éclats de schiste sur lequel repose un des blocs appartenant au mur de clôture de la Nécropole (2013, © CReA-Patrimoine).
Fig. 9 : Piquetage de la surface des ammouda restitués (2013, © CReA-Patrimoine).

Dans ce contexte à occupation dense et longue, une des difficultés majeures fut le choix du niveau de circulation à mettre en évidence. Afin de montrer au public les phases d’activité successives de la Nécropole, plusieurs niveaux d’occupation ont été matérialisés à des hauteurs différentes. En même temps, les enclos funéraires correspondants sont suggérés par des rondins de bois ou par des blocs de clôture replacés et complétés le long de la voie de circulation Sud-Nord (fig. 10). Cette voie antique, dégagée par les fouilles, structurait de manière fondamentale le paysage funéraire de la Nécropole depuis le VIe jusqu’au Ie siècle avant. J.-C. C’est le niveau emprunté à l’époque hellénistique qui a été consolidé et mise en valeur car il nous était fourni de manière assurée par une dalle de trottoir, conservé en place (fig. 11). 

Fig. 10 : Secteur de la Nécropole Nord (zone 3) : tracé de l’enclos restitué par des rondins de bois et présence des tombes T50 et T52 matérialisée par des galets blancs (2015, © CReA-Patrimoine).
Fig. 11 : Vue de l’axe de circulation principal Sud-Nord de la Nécropole Nord avec la fosse T44 en son milieu (2014, © CReA-Patrimoine).


II. Consolidation des vestiges archéologiques du complexe archaïque, à l’ouest de la voie de circulation Sud-Nord


Dans ce cas, il s’agissait essentiellement de renforcer le liaisonnement des pierres qui constituent les murs en moellons (fig. 12), de consolider la structure d’autel dans le corridor du bâtiment et de maintenir les sols en état. Les fosses à pyrai creusées dans le rocher et situées dans la grande cour occidentale ont également été maintenues visibles en surface en remplissant leurs cavités de galets vert-gris, qui suggèrent l’usage de feu (fig. 13). Les travaux ont également restitué le tracé de la limite orientale de la terrasse Nord au niveau de sa dernière utilisation dont seul les fondations étaient encore visibles sur le site (fig. 14).
Le projet de conservation et de mise en valeur du complexe archaïque s’est confronté à la même difficulté que pour la zone des sépultures. Ici aussi, les phases d’occupation se sont succédées sur le long terme, depuis le VIIIe jusqu’au début du IVe siècle av. J.-C. en transformant l’agencement des espaces exploités. Ce sont les phases d’activité les plus importantes et les mieux conservées du complexe, à la fois du point de vue fonctionnel et monumental, surtout celle du VIe s. mais aussi certaines parties du Ve s., qui ont été choisies pour être mises en évidence. Il faut, par ailleurs, ajouter que la partie Sud du bâtiment, seulement partiellement excavée jusqu’ici, a été consolidée et ensuite recouverte de graviers pour assurer la protection des structures jusqu’au prochain programme de fouilles (fig. 13).   
Les campagnes à venir continueront ce programme de mise en valeur. La mission de 2019 sera consacrée à la rédaction, la réalisation et la pose de plusieurs panneaux explicatifs afin de permettre une compréhension du secteur par les touristes.
Dans le cadre de la poursuite du programme de fouilles (2020-2025), il est prévu de localiser la voie antique qui partait de la cité et conduisait à la nécropole afin de restituer un nouvel accès, qui suivrait en parallèle cette voie antique et qui serait destiné à la circulation des touristes. Un tel parcours devrait également protéger l’ensemble des structures antiques de la zone.

Fig. 12 : Mur à moellons de la façade Sud du bâtiment archaïque et sortie d’égout, après consolidation (2015, © CReA-Patrimoine).
Fig. 13 : Vue de l’ensemble de la zone fouillée, restaurée et mise en valeur (vue d’Est en Ouest). De l’avant-plan à l’arrière-plan : la cour avec les fosses sacrificielles matérialisées en galets verts, le complexe archaïque et le secteur funéraire de la Nécropole Nord (2015, © CReA-Patrimoine).

Fig. 14 :  Terrasse Nord du complexe archaïque, restitution du tracé du mur de clôture Est au moyen de rondins de bois et d’éclats de schiste (2015, © CReA-Patrimoine).


Publications

Un volume, actuellement en préparation, sera entièrement consacré à ce premier volet du programme de restauration et de mise en valeur. 


L’équipe

Ce programme de conservation - restauration du secteur de la Nécropole Nord d’Itanos est réalisé en collaboration avec Stefania Chlouveraki (INSTAP & University of West Attica, Department of Antiquities and Works of Art Conservation) ; E.E. Toumbakari (Ministère grec de la Culture, Direction de la Restauration des bâtiments anciens) ;  S. Delcros (architecte, CReA-Patrimoine) ; Giorgos Missemikes (restaurateur) ; l’équipe de techniciens de Palaikastro, Giorgos Kaffessakis (chef de travaux), Yannis Milidakis, Yannis Papadomanolakis, Manolis Oikonomakis ; l’équipe de chercheurs (I. Algrain, Th. Brisart, M. de Wit, V. Saripanidi, D. Tonglet, J. Vanden Broeck-Parant et V. Vlachou) et les étudiants de l’ULB. 


Remerciements

Des remerciements tout particuliers doivent être adressés aux collègues grecques du Service national des Antiquités de Crète orientale (Ephorie des Antiquités de Crète orientale, Ministère de la Culture de la République Hellénique), tout particulièrement à Chryssa Sofianou (Directrice), Vasso Zographaki (responsable des écoles étrangères), Chlio Zervaki (restauratrice) pour leur soutien constant, leur accueil chaleureux et leur collaboration efficace. 
 Nous voudrions également remercier pour leur soutien financier et logistique à la réalisation de ce programme : l’ancienne Faculté de Philosophie et Lettres (ULB : programme 2011-2015), la Faculté de Philosophie et Sciences Sociales (programme 2016 - ), le Fonds National de la Recherche Scientifique (F.R.S. - FNRS), la Fondation Ph. Wiener-M. Anspach, L’École belge d’Athènes (EBSA) et le Gouvernement de la Communauté française (Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique).

Nos pensées et nos remerciements s’adressent tout particulièrement aux habitants des villages de Palaikastro et d’Agathia.   

Contact : 
Athéna Tsingarida 
Didier Viviers