Brussels Archaeological Survey (BAS)

 

Étude pluridisciplinaire des caves et salles basses à Bruxelles (Moyen Âge–19e siècle). Un projet régional au service d’une meilleure compréhension du développement urbain, de l’architecture ancienne et de la gestion du patrimoine bâti.

François Blary (dir.), Paulo Charruadas, Philippe Sosnowska, Benjamin Van Nieuwenhove

 

Présentation générale

 

Les caves apparaissent régulièrement comme une source d’informations de premier plan pour saisir la logique de l’architecture et l’évolution de la fabrique urbaine. Elles constituent souvent, au sein des maisons, des espaces parmi les moins perturbés par la longue évolution du bâti. Elles préservent aussi de nombreux indices chronologiques, architecturaux, constructifs et fonctionnels renseignant sur le bâtiment. Outre l’apport architectural et patrimonial de ces espaces, leur étude et leur cartographie – à l’échelle de la rue, du quartier puis de la ville – constituent un atout considérable pour la compréhension de l’urbanisation et de l’urbanisme préindustriel. À l’échelle locale, ce type d’étude permet de saisir les particularités constructives et ouvre des possibilités de comparaison avec d’autres entités, régionales, « nationales » et « internationales » (en particulier en France et en Angleterre, où l’étude des caves et des cavités semble la plus avancée). 

En Belgique, les recherches archéologiques et historiques consacrées à l’étude de ces espaces reste à ce jour peu développées, à l’exception de quelques cas et programmes isolés. On mentionnera essentiellement les études et inventaires menés à Courtrai (période tardo-médiévale), à Gand (XIIe et XIIIe siècles), à Malines (période médiévale et post-médiévale) et, actuellement en cours, à Tournai. Concernant Bruxelles, l’attention a été peu portée sur le sujet. Par exemple, l’architecte et historien de l’architecture Victor-Gaston Martiny a dressé une riche synthèse sur la maison à Bruxelles, parue en 1991, en évoquant à peine la question des caves et des sous-sols. 

C’est afin de combler cette lacune que le Centre de Recherche en Archéologie et Patrimoine de l’Université libre de Bruxelles et la Direction du Patrimoine culturel du Service public régional Bruxelles Urbanisme et Patrimoine (Urban.Brussels), en association avec la Cellule Patrimoine historique de la Ville de Bruxelles, ont entrepris ensemble, depuis janvier 2017, un ambitieux projet de recherches portant sur ces espaces enterrés ou semi-enterrés à Bruxelles et dans sa périphérie du XIIIe au XIXe siècle. 

Si la zone d’investigation se veut délibérément large pour couvrir au final une superficie inégalée (près de 160 km2), elle se focalise sur quatre zones urbaines particulières et deux zones rurales périurbaines. Les quartiers centraux formant la zone située dans l’emprise de la première enceinte (XIIIe s.) et en particulier le quartier de la Grand-Place, d’une part, la rue Haute, le quartier du Sablon et la « Chaussée » (Steenweg) dans le bas de la ville (rues Sainte-Catherine et de Flandre) entre les deux enceintes (la seconde, érigée en 1357-1387), d’autre part, constituent la base de notre réflexion en milieu urbain. Cette approche est complétée par une investigation dans le centre historique du village d’Anderlecht (zone dite du Rinck) et autour de l’abbaye de La Cambre à Ixelles, sis tous les deux dans les environs immédiats de la ville. Le choix de ces deux derniers secteurs repose à la fois par l’importance des structures patrimoniales conservées et l’abondance des sources qui les concernent. Ils permettent une comparaison raisonnée avec des points de peuplement non urbain, l’un rural, l’autre monastique. 

Fig. 1 : Carte de Bruxelles par Jacques de Deventer datée du milieu xvie siècle (© Bibliothèque royale de Belgique, Cartes et Plans, no 22.090), avec indication des zones d’étude jugées prioritaires (DAO : Benjamin Van Nieuwenhove © ULB)

Fig. 2 : Photographie de la cave détruite du refuge de l’abbaye de Forest rue d’Or à Bruxelles  (Archives de la Ville de Bruxelles, collection Iconographique, no C3724)

 

Les objectifs du projet

 

Le projet, qui se place volontairement à la croisée des disciplines de l’archéologie, de l’architecture, de l’histoire et de l’histoire de l’art, s’attache, d’une part, à mettre en valeur l’ample documentation (littérature grise) produite par les activités archéologiques et patrimoniales de la Direction du Patrimoine culturel et de la Cellule Patrimoine historique de la Ville de Bruxelles. Ceci afin d’en dresser un premier inventaire. D’autre part, il envisage par des opérations d’archéologie préventive ou de programme, complétées par une prospection systématique, la collecte d’un ample matériel documentaire, comprenant photographies, plans, coupes, 3D, mais aussi un enregistrement minutieux des structures construites rassemblant des informations sur les matériaux et leur mise en œuvre. 

L’attention est tout particulièrement portée sur la structuration des espaces, leurs fonctions et leurs équipements. Parallèlement, un dépouillement de fonds d’archives spécifiques permet de compléter ces données en offrant des informations sur les commanditaires et les propriétaires, abordant d’une manière plus spécifique la question des fonctions. Le projet s’accompagne enfin d’une recherche sur la symbolique des lieux et le contexte toponymique-odonymique de la maison, de la cour et de la rue, des espaces privés et publics. Dans ce contexte méthodologique, l’îlot d’habitations forme un point d’ancrage topographique très important. Ce découpage correspond au mieux avec les objectifs fixés, notamment pour l’étude du parcellaire ancien et du réseau viaire. Cette démarche permet, à une plus grande échelle, de déterminer les éventuelles spécificités propres à chaque îlot et de mettre en lumière les points de connexions entre les différents ensembles.

Cette recherche doit aboutir à la mise en place, d’une part, d’une topochronologie précise et d’une typochronologie fine des caves et salles basses, d’autre part, d’une cartographie de celles-ci via le SIG régional, permettant de mieux comprendre et caractériser les espaces urbains bruxellois, notamment la fixation du parcellaire médiéval. D’une manière plus spécifique, le développement d’une typochronologie et d’une topochronologie, ainsi que la mise en place d’une cartographie de type SIG constitueront des outils qui rejoignent les objectifs fixés par les Atlas du sous-sol archéologique de la région de Bruxelles et aideront ainsi les gestionnaires patrimoniaux à mieux dater ces espaces et à mieux les appréhender, voire les comprendre. Ils compléteront les Atlas archéologiques et contribueront au développement de l’approche thématique développé par la Région. Par ailleurs, ils permettent la mise à jour l’inventaire du patrimoine monumental de Bruxelles. Pour les Bruxellois, il doit aboutir à la présentation d’une synthèse originale sur l’histoire et l’évolution matérielles de leur ville à travers des expositions, des conférences et des publications grand public. 

Enfin, l’intégration d’étudiants en histoire de l’art, archéologie et histoire permet de placer le projet au cœur de la formation des gestionnaires du patrimoine de demain. D’une part, la conduite de ce programme de recherche est l’occasion pour ces étudiants de s’initier à la pratique archéologique et historique et d’être confrontés aux réalités de terrain. D’autre part, il permet de développer des études sur Bruxelles au travers de travaux de fin d’études, de mémoires et de thèses prenant pour cadre le patrimoine archéologique et immobilier de la ville-région.

Fig. 3 : Cave de la maison rue des Dominicains 22 datée du xve ou du xvie siècle (cliché : Benjamin Van Nieuwenhove © urban.brussels-ULB)

Fig. 4 : Vue de la cave voûtée et d’une des deux colonnes en pierre de la cave du café Mannenke Pis rue des Grands-Carmes 31-33 à 1000 Bruxelles (cliché : Sylviane Modrie © urban.brussels-ULB)

 

Le projet BAS en quelques chiffres (mai 2019)…

 

•    C’est deux chercheurs à temps plein, un chercheur à mi-temps dirigé par un académique ;
•    C’est plus de 2000 dossiers d’archives consultés ayant abouti à la constitution d’un inventaire de 830 sites et la mise sur pied d’une méthodologie systématique d’étude régressive des maisons de Bruxelles (huizenonderzoek) ;
•    C’est 14 opérations d’archéologie préventive et trois de programme dans le cœur historique de la ville ;
•    C’est aussi 38 caves prospectées ;
•    C’est aussi 22 travaux d’étudiants dans le cadre du cours Travaux dirigés : Moyen Âge ; 
•    C’est en tout une vingtaine de caves présentant des vestiges datés de la période tardo-médiévale et du XVIe siècle, dont des maçonneries remontant à la fin du XIIIe siècle, soit un siècle avant la construction de l’Hôtel de Ville de Bruxelles ;
•    C’est trois articles scientifiques, un article grand public, une brochure destinée aux propriétaires de biens immobiliers, la présentation de nos travaux lors d’une dizaine de rencontres scientifiques et la mise sur pied d’une exposition grand public présentant les enjeux du projet ;
•    C’est, enfin, de nombreux étudiants en formation continue (BAC3 à Master 2, Master de spécialisation) participant aux interventions archéologiques et provenant de l’ULB, de la VUB, de l’UNamur et de l’UCL.

Fig. 5 : Ortho-photo du mur sud de la cave voûtée d’arrête sur doubleaux de la maison rue de la Tête d’Or 5 (DAO : Benjamin Van Nieuwenhove © urban.brussels-ULB

Fig.  6 : Étudiants bacheliers relevant une maçonnerie datée de la période tardo-médiévale conservée rue des Dominicains 22 (cliché : Benjamin Van Nieuwenhove © urban.brussels-ULB)

L’archéologie régionale est également nourrie par un projet de recherches spécifique aux matériaux de construction. Pour plus d'informations, voir Projet TCA.