Archéologie préventive à Bruxelles

La place du Centre de Recherche en Archéologie et Patrimoine dans les opérations d’archéologie préventive dans la Région de Bruxelles-Capitale

 

Introduction

 

Le développement accru des chantiers d’aménagement du territoire dans la région bruxelloise (réhabilitation de bâtiments publics ou privés, creusement de parkings souterrains, création de bassins d’orage, etc.) entraîne irrémédiablement la destruction des vestiges archéologique tant dans le sous-sol que dans le bâti ancien. Face à ces travaux, les pouvoirs publics ont établi en 2004 un cadre législatif contraignant destiné à prévenir l’érosion silencieuse et irréversible d’un riche patrimoine archéologique. Ainsi, une surveillance des demandes de permis d’urbanisme permet aux archéologues des services publics de cibler des projets de chantier et prévoir des interventions archéologiques préalables sur base d’une série d’atlas archéologiques régionaux.

Ces interventions permettent d’établir un diagnostic — via des sondages limités — du potentiel archéologique du site, d’en déterminer les caractéristiques et l’ampleur. Si ce diagnostic se révèle positif et met en évidence un intérêt scientifique et patrimonial des vestiges mis au jour ou du bâtiment investigué, un projet d’étude archéologique sera mené afin d’enregistrer ces informations et de les rendre disponibles tant aux chercheurs qu’au grand public. Cette archéologie préventive vise donc à sauvegarder les archives du sol ou en élévation avant leur disparition complète.

Entre 2009 et début 2019, le CReA-Patrimoine a répondu à 13 marchés publics (six interventions de sous-sol et sept sur du bâti ancien). Les sites étudiés dans le cadre de ces marchés publics couvrent une chronologie s’étendant du néolithique à nos jours.

 

L’archéologie préventive au CReA-Patrimoine au travers de 6 sites

 

En 2010, la fouille préventive du site classé de Boitsfort-Étangs a permis de confirmer l’excellente préservation des horizons de surface sur le site. Bien que le peu de structures mises au jour ne permette pas d’illustrer la présence de bâtiments ou d’aménagements datés du Néolithique, la quantité d’artefacts dans le sous-sol confirme une occupation intensive, probablement de nature domestique, de la zone enclose par les fortifications. La technologie et la typologie de la céramique et du mobilier lithique s’accordent bien avec l’attribution de l’occupation à la culture du Michelsberg.

Le CReA-Patrimoine a également étudié les vestiges d’une ferme du Gulde Casteel remontant au XVIe siècle dans la commune de Boitsfort entre 2013 et 2014. Cette exploitation agricole était une dépendance d’un château de plaisance datant du XVIe siècle. Au XVIIe siècle le bâtiment principal subira un grand incendie. Après cet événement, l'affectation du bâtiment va se modifier et se transformer en commerce et habitations. De plus, en 1854 la construction de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Namur réduira considérablement la superficie de la propriété. Les bâtiments subsisteront jusqu’en 1968 où ils seront détruits lors d’une campagne contre l’insalubrité des logements. Le nouveau projet immobilier planifié par la commune ne sera finalement jamais réalisé et le terrain sera laissé à l’abandon jusqu’en 1975, date à laquelle la plaine de jeux Van Becelaere sera aménagée. Ces vestiges sont un témoignage important et relevant de la vie rurale dans la commune de Boitsfort durant l’Ancien Régime.

Plus récemment en 2014 et 2015, les fouilles de sauvetage opérées sur le site de la rue d’Une Personne ont permis de compléter les résultats des investigations menées par l’ULB durant les années 1990 sur ce terrain du centre-ville, mais surtout de considérablement les amplifier par la superficie fouillée (1000 m2) et la profondeur des sondages, qui ont atteint, jusqu’à quatre mètres de profondeur. Cette intervention a permis de dégager cinq grandes phases chronologiques s’étalant du XIIe-XIIIe au XXe siècle. De nouvelles données ont ainsi été apportées dans l’étude du paysage primitif de la ville, notamment par la mise en évidence d’occupations de type agricole ou potagère. On soulignera également la mise au jour de structures liées à l’artisanat et au commerce propres aux métiers de la boucherie : un atelier de savetier/cordonnier découvert en 1990 mais complété par la fouille du CReA-Patrimoine, une fosse détritique contenant une grande quantité de mandibules et de cornes de bovidés ainsi que des ossements d’autres espèces dont la présence est liée à la production d’huile, tandis que les cornes ont été travaillées à des fins de production de mobiliers divers. Cette dernière étude a été menée en collaboration avec l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Les lignes de faîte de l’évolution du parcellaire en intérieur d’îlot ont également été tracées. Dans ce cas, les premiers témoignages de construction remontent aux XIIIe et XIVe siècles. Le nombre conséquent de structures construites retrouvées reflète une densification progressive des espaces bâtis au détriment des espaces ouverts, mouvement s’opérant dès le XVe siècle. Cette complexité et cette richesse du patrimoine bâti bruxellois ont également été mises en lumière lors de l’investigation de huit habitations sises le long de la rue du Marché-aux-Herbes 46 et 50 ainsi que le long de la Petite rue des Bouchers, 2-14 (2015). Cet ensemble d’habitations fut construit lors de la reconstruction qui suivit le bombardement de 1695 à partir de vestiges remontant à la période tardo-gothique. Outre ces noyaux anciens, l’analyse a permis de retracer de manière précise la chronologie de cette phase d’intense reconstruction pour chaque habitation que l’on situe entre 1695 et 1697. Ce relèvement rapide de la cité, après le désastre de 1695, s’est appuyé sur un réemploi massif de matériau provenant des décombres, mais aussi une série de mesures afin de favoriser le secteur de la construction, notamment par l’importation en masse de produits étrangers à la ville, provenant de l’ensemble des Pays-Bas méridionaux, des Provinces-Unies, de la Baltique et de la Scandinavie.

Parallèlement, le CReA-Patrimoine explore peu à peu l’architecture civile et religieuse. Ainsi, des monuments aussi prestigieux que l’Hôtel de Ville de Bruxelles ou le couvent des Riches-Claires ont été investigués par le laboratoire au travers de deux marchés publics lancés durant l’hiver 2015. Pour l’Hôtel de Ville, l’étude a permis de mettre au jour des vestiges probablement antérieurs à l’édifice du XVe siècle. Si les grandes étapes de construction de cet édifice monumental ont bien été posées par les historiens bruxellois du XIXe et XXe siècle, cette investigation a permis d’infirmer certaines hypothèses sur le développement de cette maison échevinale notamment à partir d’un ancien beffroi du XIVe siècle. Elle souligne également que l’Hôtel de Ville n’a pas été conçu comme un seul programme architectural, mais est le résultat d’apports successifs durant le XVe siècle, d’adaptation ou parfois de modifications en profondeur, des bâtiments anciens intégrés à chaque nouveau projet.

Aux Riches-Claires, l’étude a permis de dresser de manière précise l’évolution générale, depuis le XVIIe jusqu’au XIXe siècle, des façades du cloître et des bâtiments accolés à cet espace de recueillement et de déambulation. Il s’agit d’un ensemble relativement bien conservé qui constitue l’un des précieux derniers témoignages de cloître encore en élévation dans la ville de Bruxelles.

Tableau récapitulatif des chantiers d’archéologie préventive à Bruxelles depuis 2010

2018 Étude archéologique sur les bâtiments sis 16-22 rue de la Samaritaine à 1000 Bruxelles [BR511-01] 
2016-2017 Recherche archéologique de deux maisons situées aux nos 13 et 14 de la Grand-Place [BR334-01]
2016 Recherche archéologique sur les façades de l’ancien couvent des Riches-Claires [BR092-04]
2015-2016 Étude archéologique des structures en maçonnerie de l’Hôtel de ville de Bruxelles – Grand-Place 
2015 Recherche archéologique du bâti d’un ensemble de bâtiments situé rue Marché-aux-Herbes 46 & 50 et Petite rue des Bouchers 2 à 14 [BR328-01]
2014-2015 Recherche archéologique sur le terrain sis rue Marché-aux-Herbes 68-70/ rue des Bouchers 37/ rue Marché-aux-peaux/impasse Saint-Pétronille/ impasse du Chapelet/ impasse de la Tête de Bœuf / rue d’une personne à 1000 Bruxelles [BR166-03/04]
2013-2014 Recherche archéologique sur le terrain sis à l’angle de l’avenue Van Becelaere et la rue du Bien-faire à Watermael-Boitsfort [WB008-01]
2013 Recherche archéologique sur le bâtiment sis Place du Grand Sablon 49 à 1000 Bruxelles [BR171-01]
2012-2013 Recherche archéologique sur le bâtiment sis rue du Marché-aux-Fromages 11 à 1000 Bruxelles [BR300-01]
2012 Recherche archéologique sur la place Saint-Job à Uccle [UC001-02]
2011-2012 Recherche archéologique sur le terrain sis bd de l’Empereur entre les numéros 34 et 36 à 1000 Bruxelles [BR081-03]
2011 Recherche archéologique sur le bâtiment sis Rue de Flandre 180, à 1000 Bruxelles [BR247-02]
2010-2011 Recherches archéologiques du site du Neckersgat à Uccle [UC013-01]
2010 Étude archéologique sur le site néolithique de Boitsfort-Étangs à Watermael-Boitsfort [WB002-03]