Belgique (Aiseau-Presles, villa)

La villa gallo-romaine du « Trieu des Soques » à Aiseau-Presles (Hainaut, Belgique) : fouilles 2016 et 2017


Deux campagnes de fouilles ont été menées sur la villa gallo romaine d’Aiseau, sise au lieu dit « Trieu des Soques ». Ces recherches, financées par le CReA-Patrimoine et la Faculté de Philosophie et Sciences Sociales de l’Université libre de Bruxelles, avaient pour objectifs de compléter nos connaissances à propos de ce grand domaine rural et d’en préciser la chronologie générale afin de mettre en perspective les développements chronologiques de l’habitat, de la nécropole et du sanctuaire voisin de « La Taille Marie ». Après le dégagement exhaustif du sanctuaire de 2011 à 2015, les fouilles de 2016 et 2017 ont porté sur le petit corps de logis du domaine (bâtiment 1) et sur les cours centrale et occidentale. Des sondages ont également été réalisés au niveau de la nécropole « Lemince ».

Fig. 1. Plan général de la villa d’Aiseau, d’après le plan dressé en 1878 et les fouilles 2016-2017 (© Université libre de Bruxelles).

Sur base des fouilles menées en 2016-2017 et du plan dressé par J. Kaisin au XIXe s., un schéma évolutif du bâtiment 1 peut être avancé : quatre phases ont été reconnues. Faute d’éléments datants, ce schéma demeure toutefois ténu, avec une chronologie absolue floue encore à préciser par les études de mobilier. 

Il semble que le bâtiment d’origine, de 26,50 m sur 22 m de large ne soit pourvu que d’un grand espace central. On y accède depuis le nord-ouest par une porte centrale. Au centre de l’espace, une fondation massive en pierre pourrait traduire la présence d’un pilier central, destiné à réduire les portées de la charpente. L’édifice est pourvu de deux pavillons d’angle, sous l’un desquels, au nord, a été installée une grande cave maçonnée. La différence de matériaux employés pour les fondations de la galerie de façade laisse un doute quant à la présence du portique dès cette phase. On ignore toujours quand est implanté le bâtiment. La seconde phase correspond à la pose d’hypocauste et à la construction de la chaufferie. Ces travaux provoquent également le remblaiement partiel de la cour occidentale. La phase suivante est marquée par l’agrandissement du réseau d’hypocauste aux salles voisines. La dernière phase est la plus considérable en matière de remaniement et on la situera, sur base des différents indices repérés à la fouille, au plus tôt à la fin du IIe siècle, voire au cours du IIIe s. La grande salle initiale est intégralement re-divisée, avec un espace central (à ciel ouvert ?) réduit à 8 m, donnant sur une série de petites pièces disposées autour. Les niveaux sont rehaussés d’une trentaine de centimètres et certaines salles sont munies d’un sol en béton. L’espace chauffé est restreint et certaines pièces, préalablement sur hypocauste, sont remblayées. Un nouveau hall d’entrée du bâtiment est aménagé, peut-être suite à la construction du bâtiment 3, impliquant désormais un accès par le sud.

Fig. 2. La salle I du bâtiment 1 en cours de fouille en 2017, vue depuis le nord. À l’arrière-plan, la salle H et la chaufferie I’ (© Université libre de Bruxelles).
Fig. 3. Angle nord-est du bâtiment 1 en cours de fouille en 2016. À l’arrière-plan, la vallée de la Biesme (© Université libre de Bruxelles).
Fig. 4. Canalisation débouchant de la cave J. À l’arrière-plan, la face externe du mur oriental de la cave du bâtiment 1 (© Université libre de Bruxelles).

 

Les fouilles 2016-2017 auront permis de mettre en perspective l’occupation de la villa et la fréquentation du sanctuaire. Toutefois, contrairement à « La Taille Marie », n’ont été diagnostiquées ni phases précoces (fin Ier av. J.-C.-Ier apr. J.-C.), ni occupations tardives (IVe apr. J.-C.). Les recherches n’ont pas été inutiles pour autant : les bâtiments sont maintenant relocalisés avec précision et le bâtiment 1 a fait l’objet d’un examen archéologique minutieux. Un intéressant dépôt, constitué de cinq sesterces frappés dans le dernier quart du IIe s. ap. J.-C. et d’une grande jarre en céramique intentionnellement brisée, a également été découvert. 
Les travaux d’envergure de réorganisation du bâtiment 1, datés de façon préliminaire du IIIe siècle, ne sont pas sans rappeler ceux mis en exergue sur d’autres villas du Condroz. Il y a donc d’intéressantes pistes de recherches, car les schémas évolutifs de ce type de petit corps de logis demeurent trop rares et nos connaissances sont souvent limitées soit à des plans anciens, soit à des rapports de fouilles trop sommaires. La particularité de la villa d’Aiseau tient aussi dans notre connaissance de son environnement direct : avec un sanctuaire, un tumulus et une nécropole répartis sur une trentaine d’hectares. Le site illustre donc parfaitement l’autonomie et l’envergure qu’ont pu atteindre certains grands domaines du nord-ouest de l’Empire.


Bibliographie

KAISIN J., La villa belgo-romaine d’Aiseau. Rapport de la fouille, Documents et Rapports de la Société royale d’Archéologie et de Paléontologie de Charleroi, IX, 1878, p. 145-234.

PARIDAENS N., La villa gallo-romaine du « Trieu des Soques » à Aiseau. Résultats des fouilles 2016, Signa, 6, 2017, p. 85-93.

PARIDAENS N., La villa gallo-romaine du « Trieu des Soques » à Aiseau : bilan des fouilles 2017, Signa, 7, 2018, p. 167-174.

Contact : Nicolas Paridaens