Études des céramiques de la Méditerranée archaïque, classique et hellénistique

 

Entre 2004 et 2009, le CReA-Patrimoine a développé un programme de recherche interdisciplinaire et international, soutenu par une ARC (Action de Recherches Concertées) financée par le Ministère de la recherche de la Fédération Wallonie - Bruxelles, dont le thème était « La céramique dans les sociétés anciennes : production, distribution et usages ». Dans la lignée de ce programme, la recherche reste très active dans le domaine de la céramologie, qui constitue un des axes majeurs du Centre. Une équipe, riche de plusieurs chercheurs, s’intéresse, d’une part, à des questions d’organisation de la production, aux ateliers et aux artisans (mobilité, échanges, influences) et, d’autres part, à la diffusion et aux usages des vases pour les informations que cette classe de matériel peut apporter sur des questions sociales, économiques et culturelles. La céramique est, ainsi, abordée en tant qu’objet social et économique dans une série de contextes régionaux et chronologiques variés, qui s’étendent à l’ensemble de la Méditerranée archaïque et au monde oriental. 


Production : atelier et artisans 


La recherche menée au CReA-Patrimoine sur les productions et les ateliers céramiques aborde essentiellement ces questions par le biais du travail du potier. Elle met l’accent sur les formes du répertoire céramique grec tout en tenant compte des apports du peintre, de l’analyse stylistique du décor figuré et de la maîtrise technologique. Cette approche, qui constitue une des caractéristiques de l’équipe de céramologues en œuvre à l’ULB, permet de renouveler nos connaissances sur l’organisation des ateliers et sur les rapports entre les artisans et leur clientèle. L’équipe a ainsi entrepris un nombre important d’études morphologiques des vases grecs, qui se basent, notamment, sur un travail d’attribution à des mains de potiers. 

Les productions du début de l’Âge du Fer (époque géométrique) sont traitées à travers plusieurs cas de figures qui examinent des questions importantes telles que la mobilité des artisans, le partage des savoirs technologiques et iconographiques, et la reconnaissance de l’établissement d’unités de production dans certaines régions spécifiques telles que Marathon, le Golfe eubéen et des Cyclades (Ténos), pour répondre à des besoins de consommation précis (Vicky Vlachou, CReA-Patrimoine, membre belge de l’École française d’Athènes) (fig. 1). 

Fig. 1: Cruche géante à décor figuré (VIIIe s.), Nécropole de Marathon, Musée de Marathon (© V. Vlachou)

Pour l’époque archaïque et classique, une part importante des recherches au CReA-Patrimoine porte sur la céramique fine à figure noire ou à figure rouge. Certains travaux se concentrent sur les ateliers corinthiens de figure noire du VIIe au VIe siècle. L’étude de cette production est l’objet des recherches de Kees Neeft, qui fait désormais partie de l’équipe du CReA-Patrimoine et dont les archives sont installées au Centre. Le chercheur mène depuis de nombreuses années un travail fondateur restituant l’organisation de la production corinthienne en ateliers et en peintres. Cette même production est également analysée aussi bien du point des formes que des séquences typologiques et chronologiques dans certains contextes précis du Nord de la Grèce (V. Saripanidi).  La production attique à figure noire et à figure rouge fait l’objet d’une part importante des recherches menées au sein du CReA-Patrimoine. Les travaux s’intéressent à l’organisation des ateliers à travers l’analyse des formes et de l’iconographie et abordent les questions de mobilité et de rapports entre artisans de diverses spécialités (D. Williams, V. Saripanidi) (fig. 2). Les études portent sur des formes spécifiques telles que l’alabastre (I. Algrain), le kyathos (D. Tonglet) ou la phiale (A. Tsingarida), qui s’inspirent de prototypes étrangers adaptés et intégrés par les ateliers attiques.  Parallèlement, les travaux sur la céramique attique examinent également le mode de réception et d’adaptation de certaines formes dans des aires culturelles diverses : Monde grec (A. Tsingarida, V. Saripanidi, D. Tonglet) ; Monde étrusque (A. Tsingarida, D. Tonglet), Proche Orient et Empire Achéménide (A. Tsingarida). Selon une même perspective, certains travaux portent sur la transmission et la réception des savoirs artisanaux (technologie, formes, décors, images) dans la céramique attique du VIe-début du Ve siècle (A. Attout ; V. Saripanidi ; D. Williams). 

Fig. 2 : Hydrie à figure noire (fin VIe-début Ve s.), Nécropole de Sindos (© V. Saripanidi)

L’organisation des ateliers à l’époque tardo-classique et hellénistique est examinée dans le cadre de certaines productions crétoises et apuliennes (N. Massar). 


Formes et usages, distribution, échanges culturels et économiques


Les recherches menées au sein du CReA-Patrimoine voient la céramique comme un objet de consommation et s’intéressent, tout naturellement, aux usages des vases. Dans ce cadre, un accent tout particulier est placé sur les contextes archéologiques et les assemblages de matériel qui fournissent des données essentielles pour traiter de cette problématique. Partant des formes et des contextes, plusieurs thèmes de recherche abordent également la céramique grecque pour les informations qu’elle peut livrer au sujet des échanges économiques et culturels, mais aussi sur l’organisation sociale et les pratiques funéraires et cultuelles à travers la Méditerranée.  Dans ce cadre, les études prennent en compte un large éventail de productions, incluant des céramiques largement distribuées, (corinthienne, eubéenne, béotienne, attique, ionienne) mais aussi des céramiques plus communes de production locale peu ou pas exportées. L’ensemble de ces productions sont analysées à partir de contextes précis (habitat, nécropole, sanctuaire), liés à des sites et des aires culturelles spécifiques. On citera, entre autres : l’Attique (Acropole d’Athènes, A. Tsingarida) la Grèce du Nord (Karabournaki, la nécropole de Sindos – V. Saripanidi) (fig. 4), les Cyclades (la nécropole de Vardalakos, Xobourgo à Ténos, V. Vlachou ; le site de Kastro à Siphnos, A. Tsingarida) (fig. 5),  la Crète de l’Est (la nécropole (N. Massar) et le complexe archaïque de la nécropole d’Itanos, A. Tsingarida  ; la nécropole de l’Anavlochos, C. Judson) ; l’Etrurie centrale et l’Étrurie Padane (les nécropoles de Ciancano Terme, Spina – D. Tonglet ; les sanctuaires de Gravisca et de Pyrgi, Marie de Wit ; les nécropoles de Tarquinia, Caere, Spina, A. Tsingarida).  
Il est important de souligner que l’ensemble de ces recherches sont rendues possibles grâce aux collaborations avec de nombreux collègues et institutions étrangères. Nous voudrions remercier chaleureusement ici : F. Gaignerot – Driessen (UCLouvain) ; E. Govi (Université de Bologne) ; K. Kavadias (Musée national d’Athènes) ; N. Kourou (Université d’Athènes) ; G. Paolucci (Musée de Chianciano Terme, Toscane), Z. Papadopoulou (Service archéologique des Cyclades) ; M. Tiverios (Académie d’Athènes) ; Chr. Sofianou & V. Zographaki (Service Archéologique de Crète de l’Est). 


 

Fig. 3 : Phiale décorée de technique Six polychrome (fin VIe s.), Musée du Louvre ((© A. Tsingarida)
Fig. 4 : Série de cruche en céramique commune, site de Karabournaki (© V. Saripanidi)
Fig. 5 : Céramique de cuisine (lopas) brisée rituellement, Nécropole de Vardalakos, Xobourgo, Ténos, Cyclades (© V. Vlachou)

 

Publications (une sélection)

I. Algrain, L’alabastre attique. Origine, forme et usages, Bruxelles, 2014 [Études d’Archélogie, CReA-Patrimoine 7]

V. Saripanidi, “Clay, Glass and Faience Vases and Clay Lamps”, in K. Despoini et al., Sindos II, The Cemetery, Archaeological Exploration 1980-1982 (Publications of the Archaeological Society at Athens 308, Athens 2016) 31- 243 (in Greek)

D. Tonglet, Le kyathos attique de Madame Teithurnai. Échanges artisanaux et interactions culturelles entre Grecs et Étrusques en Méditerranée archaïque, Bruxelles, 2018 [Études d’Archélogie, CReA-Patrimoine 14]

A. Tsingarida (ed), Shapes and Uses of Greek Vases (7th-4th centuries B.C.), Bruxelles, 2009 [Études d’Archélogie, CReA-Patrimoine 3]

A. Tsingarida & D. Viviers, Pottery Markets in the Ancient Greek World, Bruxelles, 2013

A. Tsingarida, “Greek Vases” in M. Mauro (ed.), Oxford Handbook of Proto-Roman Italy, Oxford (sous presse). 

V. Vlachou (ed.), Pots, Workshops and Early Iron Age Society. Function and Role of Ceramics in Early Greece, Bruxelles, 2015 [Études d’Archélogie, CReA-Patrimoine 8]

D. Williams, “Beyond the Berlin Painter: Toward a Workshop View”, in M. Padget (ed.), The Berlin Painter and His World, Princeton, 2017, 144-187.

L’ équipe 

  • A. Tsingarida (professeur, ULB) 

Thèses

  • A.  Attout (Assistant) ; M. de Wit (Aspirante, FNRS)

Post-doctorants

  • A. Judson (Chercheuse post-doctoral, Marie-Curie COFUND Fellowship) ; V. Saripanidi (chercheuse post-doctorale FNRS); D. Tonglet (Chargée de recherches, FNRS) ; V. Vlachou (membre belge (ULB) de l’École française d’Athènes).

Professeurs invités, collaborateurs scientifiques

  • I.Algrain (collaborateur scientifique, Académie royale de Belgique) ; K. Neeft (professeur invité) ; N. Massar (collaborateur scientifique, conservateur aux MRAH-KMKG) ; D. Williams (professeur invité).


Contact

Athéna Tsingarida